Le 30 juin 1997, lors d’une vente à l’Hôtel Drouot, la Société des Amis de la Bibliothèque Forney (SABF) a fait l’acquisition d’une centaine de merveilleux papiers peints signés ou commandités par André Groult entre 1912 et 1923, pour en faire don à la bibliothèque. Ce lot précieux s’inscrit dans la démarche de la bibliothèque de documenter les arts décoratifs français à travers ses grands noms et de compléter une collection remarquable de 10 000 papiers peints anciens. 

Ce magnifique don se compose de deux liasses de 105 échantillons de 32 sur 45 cm. La période de leur création se situe entre Art Nouveau et Art Déco, à un moment artistique foisonnant et passionnant pour le savoir-faire français. 

André Groult (1884-1966) est un décorateur et ensemblier français dont l’esthétique peut se définir comme une synthèse entre les formes classiques anciennes et l’esprit de son temps. Travaillant au renouveau du tapis moderne, il devient éditeur de tissus d’ameublement et de papiers peints, diffusant notamment des œuvres de George Barbier.

Ses meubles deviennent progressivement une référence stylistique. Dès 1913, il contrôle tous les stades de la fabrication (ouverture d’ateliers de menuiserie, d’ébénisterie, de tapisserie et de garniture de sièges) et devient un « artiste à la mode », travaillant pour et avec une clientèle particulière de luxe. À partir de 1924, il édite ses propres œuvres.

André Groult occupe une place à part dans l’art décoratif de son temps. Ne croyant pas au succès de formes entièrement inédites, pensant qu’un art décoratif, pour être apprécié, se devait de perpétuer les styles du passé (Groult fut un temps antiquaire), il ne cessera néanmoins de mener toute sa vie des recherches novatrices, en collaborant avec les grands artistes de son temps, aussi bien les artisans et manufacturiers de renom (Isidore Leroy, Desfossé & Karth, Alfred Hans) que des peintres (Jean-Emile Laboureur, Marie Laurencin) ou des hommes de lettres (Apollinaire).

Différents illustrateurs de renom sont cités au registre tels Roland Goujon, Jean-Emile Laboureur, Georges Barbier, Marie Laurencin ou encore Groult lui-même.

Les échantillons de notre lot ont été imprimés selon les méthodes d’impression à la planche, technique de production intermédiaire entre les dominos de papiers peints des origines et l’industrialisation de l’impression au cylindre/rouleau :

« On se sert pour imprimer le papier de planches en bois du même type que celles qu’on emploie dans l’impression sur textile. Ces planches qui ont en tout environ 54 mm d’épaisseur sont formées de trois planchettes collées ensemble de manière que les fils du bois se contrarient afin qu’elles ne se voilent pas. Deux de ces planchettes sont en peuplier la troisième est en bois de poirier. C’est sur cette dernière que les dessins sont gravés en taille d’épargne. Il faut autant de planches différentes que l’on a non seulement de couleurs mais de nuances différentes de ces mêmes couleurs à placer pour faire ressortir le dessin proposé.  Les planches portent des repères dont l’un sur un coin, l’autre sur l’autre et qui sont disposés avec une telle exactitude que les repères de devant se placent exactement sur les repères de derrière et par ce moyen on peut répéter le dessin d’un bout à l’autre de la pièce sans qu’il y ait aucune confusion. Lorsque le metteur sur bois est un peu adroit il place ses repères de manière qu’en posant une seconde fois la planche ces repères se trouvent cachés par la couleur que la planche dépose et lorsque la pièce est finie on ne voit tout au plus que les deux repères qui commencent la pièce et les deux qui la terminent »

Dictionnaire universel des arts et métiers, 1829

Les motifs du recueil sont souvent déclinés sous 2, 3 ou 4 séries de couleurs différentes, illustrant bien le procédé propre à cette technique d’impression.

Feuille après feuille, nous parcourons une collection foisonnante qui emprunte autant aux thématiques chères à l’Art Nouveau (figures de la féminité récurrentes avec ses liseuses et ses nymphes, faune et flore déclinées en motifs variés) qu’à l’esthétique Art Déco (lignes harmonieuses et sensuelles, formes simples, inspirations exotiques).

Souvent naïfs et délicats, ces papiers peints nous étonnent, plus d’un siècle après leur exécution, par la richesse chromatique et la liberté de la composition, révélant de splendides décors prêts à mettre en valeur le mobilier imaginé et réalisé par son créateur.

Les informations contenues dans cet article ont été en partie empruntées à l’ouvrage de Félix Marcilhac André Groult, Paris, Les Editions de l’Amateur, 1997, ainsi qu’aux travaux de la SABF.

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