Lors de l’exposition Geo-Fourrier, maître des arts décoratifs, la bibliothèque Forney a présenté deux katagami acquis par cet artiste collectionneur d’art japonais, ainsi qu’une sélection tirée de la collection de la bibliothèque. 

Les katagami sont des pochoirs qui permettaient aux teinturiers japonais de réaliser des motifs en blanc sur le fond coloré d’une étoffe. 

L’impression au pochoir apparaît à l’ère Kamakura (1185-1333) pour la décoration du cuir des armures puis, à partir des 16e et 17e siècles, son emploi s’étend aux textiles et à différentes classes sociales car il permet d’imiter les motifs tissés des vêtements de soie dont le port est réservé à la noblesse de cour et aux grands seigneurs militaires.

Les petits motifs sont appelés komon ou edo komon. Les entrelacs de motifs pointillistes imitent tout d’abord des motifs géométriques puis, à partir du 18e siècle, forment des lignes droites, des courbes, représentent des animaux, des plantes, des objets…

D’autres motifs de taille plus importante apparaissent. Les pochoirs à motifs de taille moyenne chûgata sont utilisés pendant l’époque d’Edo (vers 1600-1868) pour les habits des marchands et artisans.

L’âge d’or de cet art décoratif se situe durant la seconde moitié de l’époque d’Edo. De nouvelles méthodes d’impression permettent alors d’accélérer le processus de teinture. Des motifs plus longs, appelé chûzen, permettent de réduire le nombre de reports aux pochoirs. 

Les katagami sont fabriqués à partir de feuilles de papier washi, issu de l’écorce de mûrier, qui sont imprégnées de jus de kaki pour renforcer l’imperméabilité du papier, et sont parfois laquées pour augmenter leur résistance. Sur plusieurs feuilles durcies et superposées, les motifs komon sont réalisés à l’aide de poinçons ou d’emporte-pièces dont l’embout a la forme d’un motif, les motifs chûgata avec des canifs très affutés, technique se rapprochant du canivet européen. Parfois composés de plusieurs centaines de trous par centimètres carrés, ces katagami réclament de l’artisan qui les fabrique force et dextérité. Lorsque les katagami sont très découpés, les motifs sont maintenus ensemble par des fils de soie.

Pour l’impression, le katagami est posé sur un lé de tissu ; une pâte de réserve à base de riz est appliquée à l’endroit des motifs découpés. Le tissu est plongé dans un bain de teinture afin de faire apparaître les motifs en blanc à l’endroit des motifs découpés. Parmi les katagami conservés par la bibliothèque Forney, plusieurs portent des traces de teinture.

A l’ère Meiji, le Japon s’ouvre au monde. Des techniques plus modernes venues d’Occident remplacent peu à peu l’impression au pochoir ; les katagami sont alors vendus aux européens à des prix inférieurs aux estampes. Ces modestes feuilles contribuent à diffuser un vaste répertoire de motifs japonais, souvent tirés de la nature, pour les arts décoratifs et l’architecture. Cependant les artistes comme les fabricants de textile ou de papiers peints occidentaux s’en inspirent véritablement à la fin du 19e siècle quand ces outils de teinturier sont disponibles en grand nombre dans les musées, les bibliothèques, les écoles et les ateliers d’Europe ou des États-Unis. 

Les lignes courbes typiques de l’Art nouveau rappellent les lignes sinueuses et formes organiques des motifs des pochoirs : lierre, tiges de végétaux, insectes, poissons. Les compositions florales et géométriques inspirent également les artistes de la Sécession viennoise et les artistes du mouvement Art déco qui y trouvent une source d’inspiration nouvelle.

Conservés aujourd’hui dans les musées et bibliothèques dédiés aux textiles, ces katagami sont aussi précieux pour étudier l’art ancien du textile japonais que son influence sur les arts européens.

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