Nous vous proposons une courte promenade historique dans les collections de la Bibliothèque Forney, à travers trois moments choisis : 1850, 1930 et 1950.
Moins identifiée sur cette spécialité que la BHVP et la BhdV, la Bibliothèque Forney recèle néanmoins quelques perles de l’édition photographique.

Démarrons avec les livres d’exploration et d’archéologie du 19e siècle, dont Forney possède deux très beaux et très complets exemplaires, résultant de la collaboration de l’éditeur Gide et Baudry avec l’imprimeur Blanquard-Evrard.

Les volumes se composent d’une partie Texte, comprenant des illustrations (croquis) et d’une partie Planches avec des épreuves sur papier salé (ou calotypes).

Le montage des planches dans un cadre s’apparente encore, pour ces premières publications, à l’estampe, avec un rapport classique entre l’image et la lettre.


Egypte, Nubie, Palestine et Syrie, Maxime du Camp, Gide et Baudry, 1852

Illustré de 125 épreuves sur papier salé à partir de négatifs papier, album aux images austères et forcément frontales (la chambre photographique imposante qu’il fallait utiliser à l’époque ne permettait pas d’autre point de vue). C’est un des premiers livres de photographie, au sens où le choix et la présentation des images en font un objet d’une grande intégrité et qualité photographiques.

Ce livre est à consulter en réserve : il permet de juger du velouté des épreuves sur papier salé qui corrige la sécheresse des images.

On aperçoit sur l’image suivante Gustave Flaubert, qui accompagnait Maxime Du Camp dans cette « mission archéologique » pour le Ministère de l’Instruction Publique, et dont on retrouvera les commentaires distanciés dans sa Correspondance.


Jérusalem : étude et reproduction photographique des monuments de la Ville Sainte, depuis l’époque judaïque jusqu’à nos jours / par Auguste Salzmann, Gide et Baudry, 1856

La Bibliothèque Forney conserve un exemplaire assez rare car très complet, en 3 volumes, illustré de 188 planches.

Comme le précédent livre, les images de Jérusalem ont été produites dans le cadre d’une mission archéologique sous l’égide du Ministère de l’Instruction publique. Auguste Salzmann se rend à Jérusalem en décembre 1853 pour photographier tous les monuments étudiés par son ami Félix de Saulcy

Son but était d’apporter la preuve visuelle de théories alors vivement débattues sur l’histoire archéologique de Jérusalem, notamment l’idée que l’origine judaïque des monuments serait encore lisible. Salzmann s’attachera donc à montrer les strates des monuments photographiés. Certaines images restent à juste titre de merveilleux exemples de l’art photographique du cadrage.


La plante : cent vingt planches en héliogravure d’après des détails très agrandis de formes végétales / Karl Blossfeldt ; introd. de Charles Nierendorf, 1929

Paru d’abord sous le titre Urformen der Kunst, mais librement traduit dans cette édition « La Plante », ces photographies très célèbres sont certes spectaculaires formellement, mais elles n’en avaient pas moins vocation à servir de modèle pour les arts et artisanats.


Micrographie décorative / L. A. Guillot ; préf. de M. Paul Léon, Draeger, 1931

Considéré comme un livre art déco classique, ce dernier est relativement rare dans les collections publiques. Il s’agit ici de préparations de spécimens pour le microscope faites par le mari de Laure Albin-Guillot qui était scientifique, et décédé en 1929. Ce livre est donc un hommage à son activité. A l’origine monté sous spirale, il se présente à Forney sous une reliure très banale, qui regroupe vingt planches d’héliogravures sur papier métallisé et teinté (procédé Draeger).


La banlieue de Paris / texte de Blaise Cendrars sur 130 photos de Robert Doisneau, Seghers, 1949

Le livre est découpé par parties consacrées aux Gosses, aux Amours, aux Décors, aux Dimanches et fêtes, aux Loisirs, au Travail, restituant ainsi le contexte quasi ethnologique de la vie en banlieue. Les montages photographiques par paire d’images sont à couper le souffle de beauté et de modernisme, que ne dément pas la qualité des impressions héliographiques. Aucune image ne repose sur l’anecdote ou le jeu formel ici.


La France de profil / Claude Roy, photographies de Paul Strand, 1952

Il est fréquent dans les publications des années 1950 de joindre un texte d’écrivain au travail du photographe, comme on le voit aussi dans La France de profil indiquant alors l’auteur du texte en priorité. Dans ce titre également très poétique, le texte et l’image se mêlent harmonieusement, servis par une héliogravure splendide.

Pour aller plus loin sur ce parcours dans l‘édition photographique : Martin Parr, Le Livre de photographies, une histoire, Vol. I, Vol. II , Vol. III, Phaidon, 2005-2014

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